Une avalaison partielle de plusieurs jours sur le plus long fleuve de France,

parfois aussi appelé le "dernier fleuve sauvage d'Europe".

 

Walden Loire

 

La Loire est unique en France par sa vaste continuité sans aménagements notable de l'homme. Sur une très grande section, elle coule comme tout fleuve rêverait de couler : à sa guise et sans entrave, dévalant le paysage pour créer l'une des plus belles et anciennes voies fluviales de France. 

 

 

Nous avons rejoint le fleuve au niveau de Menars, juste au-dessus de Blois. Malgré tous nos craintes liées à la sécheresse, nous étions vite rassurés de constater que le niveau était largement suffisant et qu'il y avait tout de même un débit significatif. Grâce entre autre à ce courant très sympathique de l'ordre de 4/5 km/h ( selon nos estimatifs) et nos coups de pagaies, nous avons vite parcouru de la distance. Avec les Walden en mode "kayak" - c'est a dire avec les pagaies doubles sorties et les voiles rangées - une moyenne de 8/10 km/h était aisément atteinte. 

Bientôt châteaux, ponts, cathédrales et bistrots de Blois, d'Amboise, de Montlouis et de Tours défilaient. Les passages des ponts ont toujours été des moments assez délicats mais plein de suspens durant cette avalaison. Sous les ponts, l'eau s'engouffre entre les pylônes pour former des micro-rapides et quelques surprises. En aval des ponts, nous devions choisir entre quels pylônes passer, en estimant là  il y avait le plus d'eau, puis se lancer et garder de la manoeuvrabilité en espérant avoir fait le bon choix - impossible de s'arrêter une fois engagés. A l'exception des fois où il y avait des piquets de bois en travers ou des rangés de pierres - que l'on constate souvent au dernier moment et stoppant abruptement notre passage-, les franchissements se sont effectués sans dommages ni échouages.

 

 

Le fleuve est devenu comme un couloir, et ce couloir est lui devenu l'intégralité de notre monde pendant quelques jours. 155 km de nature, ponctués de traversées de villes. D'innombrables spots de bivouacs sur les berges et les îles. Chaque soir un joli banc de sable au coucher du soleil était disponible.

 

 

Le troisième jour, on a pu exploiter l'intégralité du potentiel de nos canoës : en effet jusque là on avait du batailler avec un vent de face. Notre progression était certes plus que correcte, on avait déjà effectué pas loin de 90 km en quelques jours, mais cette progression venait principalement de longues séances de pagayages durant plusieurs heures, puisant dans nos ressources physique et poussant l'un des membres de l'équipage au bord de la grève et la mutinerie. 

Après un arrêt à Longeais, un splendide vent d'Est s'est installé comme pour nous libérer de cette épreuve. Enfin, on avait un vent portant et on allait pouvoir hisser les voiles. Il y avait beaucoup d'incertitudes concernant l'utilisation des voiles à ce niveau du fleuve, la profondeur étant très variable - moins d'une dizaine de centimètres à certains endroits. Il n'était donc pas possible de mettre la dérive ni l'intégralité du safran. Mais le vent était derrière nous et suffisamment fort, et le bateau naviguait très bien dans ces conditions. En une seule après midi, on a parcouru plus de 40 km en n'utilisant quasiment jamais les pagaies. Portés par le vent, le courant et notre vif contentement, le couloir a défilé sans effort afin de passer la confluence avec la Vienne en début de soirée et d'atteindre un joli emplacement de bivouac juste avant Saumur.

 

 

Le lendemain fut notre dernière journée sur le fleuve, et, confronté par un puissant vent de face, il s'est terminé à la pagaie. De Saumur jusqu'à la Ménitré, notre descente sans effort de la veille semblait lointaine et c'est donc à la force humaine que l'on a traversé cette partie surprenamment sauvage et boisée. Notre couloir s'est achevé à la Ménitré, mettant fin à cette avalaison sur ce que l'on a estimé comme étant environ le 38 000ème coup de pagaie et le 155ème km.